La tierce personne permanente regroupe, comme son nom l’indique, l’ensemble des dépenses « pour aider la victime handicapée à effectuer les démarches et plus généralement les actes de la vie quotidienne. Elles visent à indemniser le coût pour la victime de la présence nécessaire, de manière définitive, d’une tierce personne à ses côtés pour l’assister dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d’autonomie » (Nomenclature Dintilhac).
Par ailleurs, ce poste de préjudice est régulièrement indemnisé sous forme de rente. La Fédération Française de l’Assurance (FFA), dans son dernier livre blanc (Dommages Corporels : Pour un meilleur accompagnement de l’indemnisation des victimes) publié en 2018, se montre d’ailleurs plus que favorable à une indemnisation systématique sous forme de rente qui serait consacrée légalement.
Ce choix est très clairement favorable à la victime car, comme le souligne Hervé Colas dans son article « La rente viagère », « la rente viagère répond au modèle tiré de la théorie dite « du cycle de vie » élaborée notamment par Yaari en 1965, puis par Modigliani, selon laquelle dans un environnement à information parfaite, les individus tendent à adapter, au fil du temps, la structure de leurs ressources à celle de leur consommation ».
« Le principe de l’indemnisation des postes de préjudices patrimoniaux futurs sous forme de rente indexée doit être consacré par la loi, comme étant la modalité de paiement qui protège le mieux la victime » (Livre Blanc de la FFA).
Un paiement sous forme de rente interroge directement la possibilité de l’indexation d’une telle rente étant précisé qu’elle représente près de 45% de l’indemnisation pour les victimes graves des accidents de la circulation d’après la dernière étude de CCR Re (disponible ici). Quelle est donc l’indexation appliquée à la rente de tierce personne permanente ?
Avant même de se poser la question de l’indexation de la rente, il est intéressant de noter qu’avant une réforme de 2013, le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires (FGAO) prenait à sa charge de la revalorisation des rentes. Pour les sinistres qui seraient survenus après le 1er janvier 2013, cela n’est plus le cas et les assureurs doivent supporter la charge de la revalorisation.
S’agissant des accidents de la circulation, la loi encadre l’indexation de la rente servie au titre de la tierce personne permanente. L’article 43 de la loi du 5 juillet 1985, dite Loi Badinter, modifie l’article 1er de la loi n°74–1118 du 27 décembre 1974.
Ce dernier dit que « seront majorées de plein droit, selon le coefficient de revalorisation prévu à l’article L. 434–17 du code de la sécurité sociale, les rentes allouées soit conventionnellement, soit judiciairement, en réparation du préjudice causé, du fait d’un accident de la circulation, à la victime ou, en cas de décès, aux personnes qui étaient à sa charge ».
L’article L434–17 du Code de la sécurité sociale dispose quant à lui que « les rentes mentionnées à l’article L434–15 sont revalorisées au 1er avril de chaque année par application du coefficient mentionné à l’article L161–25 ».
La rente indemnisant la tierce personne permanente en cas d’accident de la circulation ne peut donc être revalorisée que « des montants de prestations dont les dispositions renvoient au présent article est effectuée sur la base d’un coefficient égal à l’évolution de la moyenne annuelle des prix à la consommation, hors tabac, calculée sur les douze derniers indices mensuels de ces prix publiés par l’Institut national de la statistique et des études économiques l’avant-dernier mois qui précède la date de revalorisation des prestations concernées » (article L161–25 du Code de la sécurité sociale).
En outre, le deuxième alinéa de l’article précise que si ce coefficient est inférieur à un, il est porté à cette valeur. La rente ne peut donc jamais évoluer négativement.
La Cour de cassation n’a de cesse de rappeler ce principe auquel les parties ne peuvent déroger (Civ. 2ème, 16 janv. 2014, n°12–28.119).
S’agissant des autres types d’accidents (accident de la vie privée, accident médical…), aucun cadre légal ne vient encadrer l’indexation de la rente pour la tierce personne permanente. Le vide juridique permet aux parties, surtout à la victime, de demander une indexation de la rente qui pourrait conduire à des sommes plus importantes.
Plusieurs exemples jurisprudentiels peuvent venir illustrer ces propos.
Tout d’abord, la Cour d’appel de Paris a pu juger, dans le cas d’un accident de la vie privée (chute d’une échelle pour un menuisier à la retraite), que la rente de tierce personne permanente serait basée sur le SMIC (CA Paris, Pôle 2 -Chambre 3, 5 sept. 2016, n°15/07559).
Un tel indice de revalorisation paraît tout à fait justifié et justifiable eu égard à la nature de la dépense de tierce personne permanente. Le coût horaire du personnel aidant, qu’il soit spécialisé ou non, suivra plus logiquement l’évolution du coût horaire du SMIC que des prix à la consommation.
De plus, la Cour d’appel de Montpellier a, encore une fois dans le cadre d’un accident de la vie privée (chute de hamac), jugé que la rente de la tierce personne permanente serait indexée sur le taux d’inflation (CA Montpellier, 28 juin 2017, n°14/07368).
Néanmoins, dans certains cas, le juge peut ne pas suivre les demandes de la victime en matière d’indexation. C’est le cas de la Cour d’appel de Paris dans un arrêt en date du 24 janvier 2019 (CA Paris, Pôle 2 - Chambre 2, 24 janv. 2019, n°17/14932) aux termes duquel la victime d’un accident médical demandait à ce que la rente soit indexée sur le SMIC. La cour d’appel décide quant à elle que la rente sera « revalorisante conformément aux dispositions de l’article L434–17 du code de la sécurité sociale ».