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L'action directe du tiers lésé contre l'assureur

Dans un arrêt en date du 11 mars 2020 (Cass. Civ. 1ère, 11 mars 2020, n°18-26577), la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a rappelé le principe même de l’action directe dont la victime, tiers au contrat d’assurance entre le responsable et son assureur, dispose contre ce dernier.

En l’espèce, le propriétaire d’un appartement n’avait pu bénéficier de la garantie de loyers impayés suite au non-paiement de ceux-ci par le locataire et ce, en raison d’une déclaration de sinistre tardive de la part des deux gestionnaires du bien en question.

Logiquement, le propriétaire assignait donc ces deux gestionnaires, l’assureur ayant été appelé dans la cause par la suite.

L’article L.124-3 du Code des assurances dispose que « le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. L'assureur ne peut payer à un autre que le tiers lésé tout ou partie de la somme due par lui, tant que ce tiers n'a pas été désintéressé, jusqu'à concurrence de ladite somme, des conséquences pécuniaires du fait dommageable ayant entraîné la responsabilité de l'assuré. »

La jurisprudence consacrait déjà cette notion dans un arrêt de la Haute Juridiction en date de 1926 en permettant à la victime de réclamer directement à l’assureur la réparation de son préjudice, étant souligné que, de manière constante, l’action directe de la victime est retenue par les Juges comme étant autonome tant par rapport à l’action en responsabilité que par rapport à l’action de l’assuré contre son assureur. Un arrêt en date du 3 mai 2018 l’illustre parfaitement (Cass. Civ. 2ème, 3 mai 2018, n°16-24099) : « l’action directe de la victime est une action autonome qui procède du droit propre dont elle dispose contre l’assureur de responsabilité. »

En outre, la Cour de cassation a réaffirmé en 2019 (Cass. Civ. 2ème, 28 mars 2019, n°18-14864) la définition d’action directe, au visa de l’article L.124-3 du Code des assurances, en admettant que la demande sollicitant de « condamner l'assureur à relever et garantir son assuré des condamnations prononcées et, « en tout état de cause », de condamner l'assureur « à réparer l'entier préjudice subi par M. O., du fait de l'annulation du séjour » […] ne pouvait s’analyser que comme l’exercice du droit d’action directe ».

En l’espèce, la demande de condamnation de l’assureur n’était pas formulée exactement en ces termes si bien que se posait la question de savoir si nous en étions en présence d’une action directe.

En effet, la victime de la faute professionnelle ne demandait pas la condamnation de l’assureur à son profit.

Au contraire, il s’agissait d’une demande « aux fins d’obtenir condamnation de l’assureur à garantir son assurée des condamnations prononcées contre cette dernière ». En d’autres termes, cela constituait l’exercice du droit à garantie du responsable au titre de sa police d’assurance responsabilité civile.

La Cour retient que « M. X. ne faisait état d’aucun lien de droit avec l’assureur et qu’il ne demandait pas la condamnation solidaire de celui-ci et la société Y » et ne pouvait en conséquence « réclamer l’application de la garantie résultant de la police d’assurances liant cette dernière à l’assureur. »

La notion de « solidarité » n’était pas nécessaire mais il est possible de penser, à l’instar de Romain Schulz dans la Revue générale du droit des assurances (« La notion d’action directe à la lumière de la demande non présentée », RGDA mai 2020, n° 117k6, p.42), que la Cour de cassation ne fait que reproduire ici les termes de l’arrêt de la Cour d’appel.

Autrement dit, il importe pour le tiers lésé, s’il veut prospérer dans l’exercice de l’action directe sur le terrain judiciaire, de formuler une demande de condamnation contre l’assureur du responsable directement à son profit.

Il n’est donc plus que jamais d’actualité de bien respecter les modalités de l’action directe, au titre de l’article 124-3 du Code des assurances et des arrêts précédemment cités, devant les juridictions au risque de se voir débouter purement et simplement de son action…

Ecrit par
Maître Xavier Laurent