En 2020 et 2021, de plus en plus de professionnels de l’assurance se sont vu notifier des sanctions administratives tant de la part de la DGCCRF que de l’ACPR en raison du non-respect des obligations liées au démarchage téléphonique.
Ces sanctions s’inscrivent dans un cadre législatif de plus en plus contraignant pour les distributeurs de produits d’assurance.
En particulier, la loi n° 2020-901 du 24 juillet 2020 (JO 25 juillet 2020) est venue mettre en place un dispositif visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux suite à la proposition du député Christophe Naegelen (« Loi Naegelen »).
Eu égard à son objet, la Loi Naegelen impacte de facto le secteur de l’assurance en général et, plus particulièrement, les distributeurs de produits d’assurance qui se trouvent en première ligne étant donné leur relation directe avec le consommateur, notamment via le démarchage téléphonique, outil le plus répandu sur le terrain commercial.
Afin de mieux appréhender l’application de cette loi, il paraît essentiel de s’interroger sur les nouvelles obligations mises à la charge des distributeurs de produits d’assurance.
Les nouvelles obligations mises à la charge des distributeurs de produit d’assurance en matière de démarchage téléphonique sont au nombre de trois :
L’article 2 de la Loi Naegelen modifie les dispositions de l’article L.221-16 du Code de la consommation, celui-ci disposant que :
« Sans préjudice des dispositions de l'article L. 221-12, le professionnel qui contacte un consommateur par téléphone en vue de conclure un contrat portant sur la vente d'un bien ou sur la fourniture d'un service indique au début de la conversation, de manière claire, précise et compréhensible, son identité, le cas échéant l'identité de la personne pour le compte de laquelle il effectue cet appel et la nature commerciale de celui-ci. Le professionnel indique également au consommateur qu'il peut s'inscrire gratuitement sur la liste d'opposition au démarchage téléphonique prévue à l'article L. 223-1 s'il ne souhaite pas faire l'objet de prospection commerciale par cette voie. »
La première partie du 1er alinéa de l’article L.221-16 ne peut être considérée comme une novation pour les professionnels de l’assurance puisque l’article L.521-1 du Code des assurances (modifié par l’ordonnance n° 2018-361 du 16 mai 2018 relative à la distribution d'assurances) précisait déjà que les informations communiquées par le distributeur de produits d’assurances devaient être « claires, exactes et non trompeuses ».
En revanche, la nouvelle obligation d’information mise à la charge des distributeurs de produit d’assurance réside dans la deuxième partie du paragraphe : ils se doivent de préciser aux consommateurs qu’il existe la possibilité de s’inscrire sur une liste d’opposition au démarchage téléphonique, en l’espèce Bloctel.
L’article 3 de la loi Naegelen modifie les dispositions de l’article L.223-1 du Code de la consommation notamment son deuxième alinéa, celui-ci disposant que :
« Il est interdit à un professionnel, directement ou par l'intermédiaire d'un tiers agissant pour son compte, de démarcher téléphoniquement un consommateur inscrit sur cette liste, sauf lorsqu'il s'agit de sollicitations intervenant dans le cadre de l'exécution d'un contrat en cours et ayant un rapport avec l'objet dece contrat, y compris lorsqu'il s'agit de proposer au consommateur des produits ou des services afférents ou complémentaires à l'objet du contrat en cours ou de nature à améliorer ses performances ou sa qualité. »
La modification est importante puisqu’auparavant, le distributeur de produits d’assurance avait la possibilité d’effectuer des opérations de démarchage téléphonique dans le seul cas où des relations contractuelles avaient préexistées.
Par exemple, un consommateur ayant résilié avec un contrat d’assurance, distribué par un professionnel de l’assurance, pouvait se voir recontacté par la suite par ce dernier pour un tout autre produit.
Aujourd’hui, une telle situation n’est plus permise puisque le démarchage téléphonique doit intervenir « dans le cadre de l’exécution d’un contrat en cours et ayant un rapport avec l’objet de ce contrat ».
Le distributeur de produits d’assurance ne se retrouve pas pour autant dans l’impossibilité de démarcher téléphoniquement étant donné qu’il peut agir dans le cadre du contrat de manière assez large : le démarchage peut revêtir plusieurs formes comme la modification du contrat et de ses garanties, la souscription d’options complémentaires…
En outre, l’article L.223-1 du Code de la consommation impose aux distributeurs de produits d’assurance « de s’assurer de la conformité de ses fichiers de prospection commerciale avec la liste d’opposition au démarchage téléphonique :1° Au moins une fois par mois s'il exerce à titre habituel une activité de démarchage téléphonique ; 2° Avant toute campagne de démarchage téléphonique dans les autres cas. »
Une distinction est donc opérée par le législateur entre ceux qui exercent une activité de démarchage téléphonique « à titre habituel » et les autres sans pour autant que soit précisé le terme « habituel »si bien qu’une appréciation in concreto, adaptée à chaque situation devra être effectuée.
La LoiNaegelen introduit également, aux termes des dispositions de l’article L.223-1 du Code de la consommation, l’obligation suivante : « le professionnel mentionné au quatrième alinéa respecte un code de bonnes pratiques qui détermine les règles déontologiques applicables au démarchage téléphonique. Ce code de bonnes pratiques, rendu public, est élaboré par les professionnels opérant dans le secteur de la prospection commerciale par voie téléphonique. Il est, en tant que de besoin, précisé par décret. »
À ce titre, leComité Consultatif du Secteur Financier (« CCSF ») a publié un avis en date du 19 novembre 2019 ayant pour objectif « l’élaboration de bonnes pratiques dans le cadre des appels non sollicités auprès de prospects, qui permettent d’obtenir un consentement éclairé et conduisent à mettre fin « à la vente en un temps » et à généraliser un consentement écrit. »
Cet avis s’inscrit dans la volonté du législateur d’un « code de bonnes pratiques » même si on peut relativiser l’impact d’un tel code et son caractère contraignant pour les distributeurs de produits d’assurance.
En tout état de cause, il est possible que ce code soit détaillé plus précisément par la suite et qu’un ou plusieurs décrets soient pris notamment aux fins de s’assurer de la contrainte d’un tel code dont le non-respect est aujourd’hui difficilement sanctionnable.
Enfin, l’article L.223-1 du Code de la consommation dispose qu’un « décret, pris après avis du Conseil national de la consommation, détermine les jours et horaires ainsi que la fréquence auxquels la prospection commerciale par voie téléphonique non sollicitée peut avoir lieu, lorsqu'elle est autorisée en application du deuxième alinéa du présent article. »
Le démarchage téléphonique pour les distributeurs de produits d’assurance est donc limité à certains horaires et certains jours sans qu’il ne puisse être dérogé à cette règle et ce, pour la protection du consommateur.
À ce jour, le décret n’ayant pas été publié tout comme l’avis du Conseil national de la consommation, il est impossible d’apporter des précisions complémentaires sur cet aspect.
Enfin, les professionnels de l’assurance devront être, à l’avenir, encore plus vigilants notamment depuis l’adoption de la loi du 8avril 2021 relative à la réforme du courtage de l’assurance qui entrera en vigueur au 1er avril 2022 modifiant l’article L.112-2-2 du Code des assurances…