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Tierce personne et nature des soins médicaux

Dans un arrêt daté du 17 juin2021 (Cass. Civ. 2ème, 17 juin 2021, n° 20-12.450), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation s’est prononcée une nouvelle fois sur la question de la tierce personne permanente, question faisant l’objet de débats constants tant ce poste de préjudice occupe une part prépondérante dans l’indemnisation financière de la victime.

En l’espèce, la Cour d’appel de Nîmes avait retenu un besoin d’assistance par tierce personne de manière permanente à 19 heures par jour étant précisé que ces 19 heures comprenaient 3 heures de soins infirmiers pris en charge par l’organisme social « au moins jusqu’en juillet 2010 » alors que l’état de la victime était consolidé au 13 juillet 2010.

La juridiction du second degré en avait déduit que le fonds de garantie, tenu de l’indemnisation du préjudice corporel d’une victime d’un accident de la circulation survenu à l’étranger, ne devait indemniser cette dernière qu’à hauteur de 16 heures par jour au titre de la tierce personne permanente du fait de la déduction des soins infirmiers pris en charge par l’organisme social.

La Haute Juridiction casse l’arrêt sur ce point particulier :

« En se déterminant ainsi, et en indemnisant le besoin en aide humaine de Mme [Z], évalué à dix-neuf heures par jour, à hauteur de seize heures par jour seulement, alors qu'il ne ressortait pas de ses constatations que la prise en charge des trois heures de soins infirmiers quotidiens, par l'organisme social, acquise « au moins jusqu'en juillet 2010 », avait été maintenue après cette date, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision »

Ce faisant, la Cour de cassation considère que les soins infirmiers ne sont pas « automatiquement » pris en charge par l’organisme social de sorte qu’une appréciation in concreto, au cas par cas, doit être effectuée : ils doivent être « déduits »du poste d’assistance par tierce personne permanente jusqu’à l’arrêt de la prise en charge par l’organisme social.

Une telle décision mérite d’être approuvée en ce qu’elle permet d’éviter toute généralité qui viendrait s’opposer au principe de réparation intégrale de la victime.

Elle s’inscrit par ailleurs dans un débat plus large relatif à la nature de certains soins devant être pris en charge au titre du poste de tierce personne permanente comme les soins médicaux qui peuvent venir augmenter le nombre d’heures retenues au titre de ce poste de préjudice. 

En ce sens, l’arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 5 janvier 2021 (Cass. Crim., 5 janvier 2021, n° 19-86.395) illustre parfaitement ce débat puisque, dans cette espèce, l’expert judiciaire avait considéré que les besoins d’assistance par tierce personne de manière permanente étaient de 24 heures par jour auxquelles il fallait ajouter des soins médicaux spécifiques à hauteur de 1heures 30 quotidiennes.

Le débiteur de l’indemnisation soutenait que la victime ne pouvait obtenir la réparation d’une aide permanente pour une durée supérieure à 24 heures par jour si bien que la durée des soins médicaux spécifiques réalisés par un service d’hospitalisation à domicile devait, selon lui, être déduite du décompte réalisé par l’expert.

La Cour de cassation rejette une telle argumentation en retenant qu’il n’y a pas « double indemnisation du même préjudice » à partir du moment où « au vu des conclusions du rapport d’expertise, que les services d’hospitalisation à domicile présents de 8 h à 9 h et de 15 h à 15 h 30 ne pouvaient remplacer la tierce personne active, la cour d’appel a justifié sa décision ».

Les juges arrivent ainsi à la conclusion que les soins médicaux spécialisés n’ont pas le même objet que l’aide humaine : celles-ci sont, dans le cas de l’espèce, entièrement distinctes des prestations d’ordre médical ou paramédical.

Il s’évince de ce qui précède que chaque situation doit faire l’objet d’une attention particulière : dans certains cas, les soins médicaux ont un objet différent de l’aide humaine alors que dans d’autres, ils peuvent être déduits sous conditions…

Ecrit par
Maître Thomas Laurent